Les géants du X sont de nouveau accessibles dans l’Hexagone. Deux semaines après avoir été bloqués par leur maison-mère, les sites Pornhub, YouPorn et RedTube viennent de rouvrir leurs portes aux internautes français. Ce retour fait suite à une décision du tribunal administratif de Paris, qui a suspendu l’arrêté imposant une vérification stricte de l’âge des utilisateurs. Une mesure saluée par l’exécutif en mars, mais désormais remise en cause sur le plan juridique.
Le bras de fer entre l’État et les plateformes pornographiques prend donc une nouvelle tournure, et rien n’indique que l’affaire s’arrêtera là…
Un blocage pour protester contre la vérification d’âge
Début juin, le groupe Aylo, propriétaire des sites concernés, avait pris la décision de bloquer l’accès à Pornhub, YouPorn et RedTube depuis la France. Une manière de protester contre une nouvelle obligation imposée par la loi française de 2024 : mettre en place une vérification d’âge stricte pour empêcher les mineurs d’accéder aux contenus pour adultes.
L’arrêté d’application, publié en mars 2025, ciblait spécifiquement les plateformes pornographiques hébergées dans l’Union européenne, mais situées hors de France. Il imposait l’utilisation d’un système capable de garantir l’anonymat tout en prouvant la majorité de l’utilisateur. En théorie, cela devait passer par l’envoi d’un document d’identité ou d’une photo, tout en respectant le principe du « double anonymat ».
En pratique, aucune méthode réellement fiable et sécurisée n’avait été mise à disposition. Résultat : les sites visés risquaient d’être bloqués s’ils ne s’y conformaient pas. Ce qu’a donc fait Aylo de manière préventive, en fermant ses services en France pour éviter toute sanction.
Un revers juridique pour le gouvernement
Ce lundi 16 juin, le tribunal administratif de Paris a suspendu en urgence l’arrêté contesté. Une décision qui repose sur un point de droit bien précis : le texte français pourrait entrer en contradiction avec une directive européenne garantissant la libre circulation des services numériques au sein de l’Union.
Le jugement évoque un « doute sérieux quant à la légalité » de l’arrêté, ce qui a suffi pour qu’il soit mis en pause le temps que le Conseil d’État se prononce définitivement. Entre-temps, les sites ont sauté sur l’occasion. Dès le vendredi 20 juin au matin, Pornhub, YouPorn et RedTube étaient de nouveau accessibles en France, sans passer par un VPN ni autre système de contournement.
Sur leurs pages d’accueil, les plateformes affichent un message bien visible. Une Marianne brandissant le drapeau français accueille les visiteurs, accompagnée d’un texte à tonalité politique qui défend la vie privée des internautes, tout en appelant à une régulation plus cohérente et techniquement applicable.

Le gouvernement ne compte pas en rester là
Du côté de l’exécutif, la réponse ne s’est pas fait attendre. Clara Chappaz, ministre déléguée chargée du Numérique, a confirmé que le gouvernement allait se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État. Le gouvernement espère rétablir au plus vite l’obligation de vérification d’âge sur les sites concernés par l’arrêté.
La ministre a également dénoncé ce qu’elle considère comme une « résistance juridique forte » de la part des plateformes concernées, accusées de chercher à contourner leurs obligations. Lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, elle a même évoqué des méthodes de « mensonges et d’intimidation », tout en réaffirmant sa détermination à faire appliquer la loi.
En attendant la suite, l’Arcom, le régulateur en charge du numérique, a indiqué qu’il poursuivrait ses actions à l’encontre des sites établis en France ou en dehors de l’Union européenne. L’autorité précise également qu’un mouvement de coordination à l’échelle européenne est en cours pour mieux encadrer l’accès aux contenus pour adultes sur Internet.
Une pause dans un feuilleton loin d’être terminé
Ce nouveau rebondissement ne marque sans doute qu’une étape dans une bataille juridique qui dure depuis des années. Derrière les procédures, deux visions s’affrontent : celle d’un État qui veut mieux protéger les mineurs, et celle de plateformes qui dénoncent des obligations jugées intrusives et inapplicables à grande échelle.
En toile de fond, une question toujours aussi complexe : comment filtrer efficacement l’accès aux contenus sensibles sans compromettre la vie privée des internautes adultes ? Le Conseil d’État devra trancher, mais d’ici là, les sites concernés restent ouverts, et le débat, lui, est loin d’être clos.
Ce qu’il faut retenir
- Début juin, Aylo a bloqué l’accès à Pornhub, YouPorn et RedTube en France, en réaction à un arrêté imposant la vérification d’âge.
- Le 16 juin, le tribunal administratif de Paris a suspendu cet arrêté, évoquant un doute sur sa légalité au regard du droit européen.
- Le 20 juin, les sites ont rouvert en France, sans VPN, accompagnés d’un message politique mettant en avant la vie privée.
- Le gouvernement a annoncé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. L’Arcom, de son côté, continue sa surveillance.
- Le débat reste entier : vérification centralisée par les sites ou filtrage directement au niveau des appareils ?