« Écoutez, c’est quand même curieux, j’ai parlé d’arbres à chats géants et aussitôt j’ai reçu des publicités pour des arbres à chats géants. »
« À chaque fois que je parle de quelque chose, j’ai la pub qui apparaît sur Instagram ou sur mon téléphone directement. »
Ces témoignages viennent de passants interrogés dans un reportage diffusé sur TF1 le 13 mai 2025. Et ils sont loin d’être les seuls à avoir vécu ce genre d’expérience troublante. Beaucoup ont déjà eu l’impression que leur smartphone les écoutait pour leur servir ensuite des pubs ciblées.
Alors, fantasme collectif ou véritable espionnage numérique ? Est-ce que notre téléphone nous écoute en cachette, même lorsqu’on ne lui parle pas ? Pourquoi avons-nous parfois cette impression étrange que notre vie privée est… un peu moins privée qu’on ne le croit ?
Dans cet article, on va prendre le temps de répondre à ces questions de façon claire, sans tomber dans la parano, mais sans non plus balayer les doutes du revers de la main.
Pourquoi avons-nous cette impression d’être écoutés ?
Il suffit de prononcer quelques mots à voix haute pour que, peu de temps après, une publicité s’affiche sur les réseaux sociaux ou ailleurs. Même sans avoir fait de recherche, ni cliqué sur quoi que ce soit. À force, on finit par se poser des questions.
Mais si l’on a cette sensation, ce n’est pas forcément parce qu’on est parano. Plusieurs mécanismes bien réels peuvent expliquer ces coïncidences troublantes :
- La quantité de données collectées : votre téléphone, vos applications, votre localisation, votre historique de navigation, vos achats en ligne… Tout est suivi, analysé et recroisé.
- Les algorithmes prédictifs : ils devinent souvent très bien vos centres d’intérêt en fonction de votre comportement, même sans écoute audio.
- Les discussions croisées : vous parlez d’un sujet avec quelqu’un… mais c’est l’autre personne qui a fait une recherche juste avant. Résultat, l’algorithme suppose que ça peut vous intéresser aussi.
Bref, pas besoin d’écoute active pour que le ciblage fonctionne. Et c’est justement ça qui est un peu flippant.

Est-ce que le micro est vraiment activé à notre insu ?
C’est la grande question. Techniquement, oui, une application peut activer le micro… mais pas sans votre autorisation. Sur Android comme sur iOS, les règles sont strictes : une appli doit demander l’accès au micro, et cet accès est censé être visible dans les paramètres du téléphone. Mieux encore, sur les dernières versions des systèmes, une petite icône (microphone ou point orange/vert) s’affiche à l’écran quand le micro est utilisé.
Alors, fin du débat ? Pas forcément. Car même si tout est censé être encadré, il reste des zones grises :
- Certaines applis malveillantes peuvent contourner les règles, surtout si le téléphone n’est pas à jour ou si l’utilisateur a accepté trop de permissions.
- Des SDK publicitaires tiers, intégrés dans certaines applis, ont déjà été pointés du doigt par le passé pour des usages excessifs des capteurs (micro inclus).
- Et puis il y a le flou entre « écouter pour déclencher une commande vocale » et « écouter pour analyser ». Par exemple, un assistant vocal peut rester à l’écoute en local sans rien enregistrer… en théorie.
Bref, officiellement, on n’est pas écoutés sans consentement, mais dans la pratique, difficile d’avoir une certitude absolue. Et c’est bien pour ça que le doute persiste.
Des accusations, mais jamais de preuve
Meta, Google, Apple, Amazon… Tous ont été interrogés, parfois plusieurs fois, sur ce sujet. Et la réponse est toujours la même : non, vos téléphones ne vous écoutent pas pour vous cibler avec des pubs. Officiellement, ils s’appuient uniquement sur les données que vous acceptez de partager (et il y en a déjà beaucoup).
Facebook, par exemple, a déjà publié un communiqué pour démentir formellement l’écoute via micro. Même chose chez Google ou Amazon : les assistants vocaux écoutent bien pour détecter un mot-clé (« Ok Google », « Alexa », « Siri »…), mais tout le reste serait ignoré ou traité localement.
Apple aussi s’est toujours défendu de collecter des données audio sans consentement. Pourtant, ce mardi 13 mai 2025, une action collective a été lancée contre la marque à la pomme, accusée d’écoutes abusives à des fins publicitaires via l’assistant vocal Siri. Rien n’a encore été prouvé, mais cette procédure ravive les soupçons. D’autant que, comme le rappelle le reportage sur TF1, l’écoute est bien réelle dès lors qu’on utilise un assistant vocal et que des services tiers peuvent exploiter certaines données selon les autorisations qu’on accorde (souvent un peu trop rapidement) en installant des applications.
Bref, aucune preuve directe que les téléphones nous écoutent en douce, mais un flou qui entretient le malaise. Et surtout, une question qui revient sans cesse : avec tout ce que les applications savent déjà sur nous, ont-elles vraiment besoin d’enregistrer nos conversations ?

Que faire pour limiter les risques ?
Même s’il n’y a pas de preuve formelle que nos téléphones nous écoutent en douce, il existe des moyens très simples pour reprendre un minimum de contrôle sur ce qu’on partage. Voici quelques réflexes utiles :
1. Vérifiez les autorisations accordées à vos applis
Sur Android et iOS, vous pouvez voir quelles applications ont accès à votre micro, à votre position ou à vos contacts. Si une appli de lampe torche demande l’accès au micro… c’est peut-être le moment de s’en méfier.
- Sur Android : Paramètres > Confidentialité > Gestion des autorisations
- Sur iOS : Réglages > Confidentialité et sécurité > Micro
2. Désactivez le micro pour les applis qui n’en ont pas besoin
Vous pouvez totalement bloquer l’accès au micro pour certaines applis, sans les désinstaller. Instagram, Facebook ou Google n’ont en général pas besoin du micro pour fonctionner normalement (hors vidéos en direct).
3. Évitez les assistants vocaux si vous ne les utilisez pas
Si vous n’utilisez pas Siri, Alexa ou l’assistant Google, autant les désactiver. Ça limite les déclenchements involontaires…
- Sur iPhone : Réglages > Siri
- Sur Android : Paramètres > Applications > Assistant
4. Passez votre navigateur en mode « strict »
Certains navigateurs (comme Firefox) proposent des protections renforcées contre le pistage publicitaire. Vous pouvez aussi utiliser la navigation privée ou des extensions spécialisées dans le blocage des traqueurs publicitaires comme Privacy Badger.
5. Lisez (un minimum) ce que vous acceptez
Pas besoin de lire les 47 pages de conditions d’utilisation, mais jetez au moins un œil aux permissions demandées à l’installation. Certaines applis abusent clairement.
En résumé
Nos téléphones nous écoutent-ils vraiment ? Techniquement, c’est possible… mais rien ne prouve que ce soit utilisé pour vous inonder de pubs. En revanche, entre les données qu’on accepte un peu trop vite de partager et les algorithmes qui nous connaissent par cœur, pas besoin de micro pour que le ciblage soit (trop) efficace. Alors autant rester un peu méfiant… et garder un œil sur ce qu’on autorise.