Canal+ et la Ligue de football professionnel (LFP) viennent d’obtenir une victoire inédite devant le tribunal judiciaire de Paris. Pour la première fois, ce ne sont pas les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui sont visés, mais directement les services de VPN. NordVPN, ExpressVPN, Surfshark, Proton ou encore CyberGhost vont devoir bloquer près de 200 sites de streaming et d’IPTV pirates accessibles depuis la France.
C’est le site L’informé qui rapporte l’affaire, et autant dire que cette décision pose pas mal de questions. Car si l’objectif affiché est de lutter contre le piratage de matchs de foot ou de rugby, on peut franchement se demander si le remède est efficace… Après les FAI, les DNS, voilà maintenant les VPN dans le viseur. Et demain, ce sera quoi ? Les navigateurs ?
Dans cet article, on revient sur cette décision judiciaire sans précédent, les sites concernés, et surtout, pourquoi cette offensive ressemble plus à un coup d’épée dans l’eau qu’à un vrai barrage anti-pirates.
Une décision judiciaire inédite
Jusqu’ici, les mesures de blocage visaient principalement les fournisseurs d’accès à Internet, les moteurs de recherche ou encore les services DNS comme Google DNS ou Cloudflare. Cette fois, la justice a franchi un cap. Saisie par Canal+ et la LFP, elle a imposé aux principaux fournisseurs de VPN opérant en France de restreindre l’accès à 200 sites diffusant illégalement des compétitions sportives.
Le jugement, rendu par le tribunal judiciaire de Paris, évoque des « atteintes graves et répétées aux droits exclusifs » de diffusion. NordVPN, ExpressVPN, Proton, CyberGhost et Surfshark ont désormais trois jours pour mettre en œuvre « toutes mesures propres à empêcher » l’accès à ces sites depuis le territoire français.
La mesure s’applique jusqu’à la fin des compétitions concernées :
- Premier League : jusqu’au 25 mai 2025
- Ligue des Champions : jusqu’au 31 mai 2025
- Top 14 de rugby : jusqu’au 28 juin 2025
- Ligue 1 et Ligue 2 : jusqu’aux barrages inclus, pour la LFP
Et ce n’est pas tout : Canal+ et la LFP pourront continuer de signaler de nouveaux sites pirates à l’Arcom pendant cette période et les VPN devront également bloquer ces nouveaux noms de domaine au fur et à mesure.
Les sites pirates dans le viseur
Canal+ a transmis une liste d’environ 200 sites à bloquer, tandis que la LFP en a identifié 25 de son côté. La majorité sont bien connus pour diffuser illégalement des matchs de football, de rugby ou d’autres compétitions sportives via le streaming ou l’IPTV.
Voici un aperçu des principaux sites concernés :
Nom de domaine |
---|
livetv806.me |
rojadirectahdenvivo.com |
streamsthunder.tv |
rojadirectenvivo.me |
yalla-shootv.live |
directatvhd.me |
drakulatv.eu |
soccerbite.net |
antenasports.ru |
sportsbay.dk |
nizarstream.com |
kooralive.pp.ua |
Cette liste n’est qu’un extrait. La décision de justice autorise Canal+ et la LFP à élargir ce blocage en signalant de nouveaux sites à l’Arcom, qui les transmettra ensuite aux VPN concernés.
Une mesure symbolique… mais contournable
Sur le papier, cette décision marque un tournant. C’est la première fois que des services VPN sont directement sommés de filtrer l’accès à des sites pirates. Jusqu’à présent, ils avaient échappé à ce type de contrainte, contrairement aux FAI ou aux DNS publics. En élargissant ainsi la chaîne de responsabilité, la justice cherche à combler les failles utilisées par les amateurs de streaming illégal.
Mais dans les faits, cette nouvelle offensive ressemble plus à une rustine sur un pneu crevé.
D’abord parce que les sites visés peuvent très facilement changer de nom de domaine. C’est un classique : un site bloqué le lundi peut réapparaître le mardi sous une autre adresse. Et tant que les utilisateurs sauront où chercher, ils trouveront.
Ensuite, cette décision ne concerne qu’une poignée de fournisseurs VPN. NordVPN, ExpressVPN, CyberGhost, Proton ou Surfshark sont certes très populaires, mais il en existe des centaines d’autres. Sans parler des méthodes alternatives comme le SmartDNS, les proxys ou même les navigateurs intégrant des fonctions de contournement.
Autre point : le blocage s’applique uniquement aux utilisateurs situés en France. Il suffira donc à certains de simuler une localisation différente (via un autre serveur VPN ou un service non concerné) pour passer entre les mailles du filet.
À suivre…
Reste maintenant à voir comment les fournisseurs de VPN vont réagir. La décision du tribunal doit être appliquée dans un délai de trois jours, même si un recours reste possible. Certains pourraient tenter de la contester sur le fond, d’autres préférer s’y conformer discrètement… ou envisager de quitter le marché français. Une chose est sûre : l’histoire ne fait sans doute que commencer.